samedi 22 avril 2023

Écologie de la strige

Il y a peu de légendes populaires aussi tenaces que celle du vampirisme. Les voyageurs évitent des régions entières, réputés hantées par ces morts-vivants suceurs de sang, et les quelques sceptiques qui choisissent de ne pas faire de détour n'arrivent jamais à leur destination, ce qui alimente les rumeurs à nouveau. Même en lisière des régions affectées, certains habitants de villages reculés sont retrouvés au petit matin exsangues, avec des petits trous dans la gorge où d'autres parties exposées. Ces trous ne ressemblent en aucun cas à des marques de canines, ce qui pourrait discréditer la théorie du vampire, mais les légendes ont la mémoire sélective. En réalité, les symbole religieux et les gousses d'ail accrochés sur les portes des gens superstitieux n'ont aucune utilité face à ces attaques : ce ne sont pas des vampires qui vident de leur sang les voyageurs et les paysans, mais des animaux très discrets, que l'on appelle des Striges

Les chercheurs ont longtemps pensé que la strige était une chimère créée par les elfes, croisement possible entre des moustiques, des chauves souris et d'autres créatures, mais le consensus récent la définit comme un animal ayant évolué naturellement. Sa classification pose problème, car la strige, à la manière d'un ornithorynque, présente des caractéristiques disparates présentes chez plusieurs autres espèces. Son corps, long d'une dizaine de centimètres, est glabre, ne présentant ni plume, ni poils. Elle possède une unique paire de patte, située vers l'avant du corps, qui se termine par des griffes pointues, ainsi qu'une paire d'aile superficiellement similaire à celle d'une chauve souris. Sa tête présente deux gros yeux globuleux, entièrement noirs, et une longue trompe qui la rend si reconnaissable. Cette trompe pointue, fine comme un roseau et longue comme un poignard, est l'arme qui sert à la strige pour tuer ses proies. Comme un moustique géant, la strige aspire tout le sang que son ventre peut contenir, celui-ci devenant rond et tendu une fois rempli, avant de repartir vers son antre. La différence avec le moustique est qu'une seule strige peut absorber jusqu'à deux litres de sang, une quantité suffisante pour causer la mort chez la plupart des humains adultes.

Les striges sont des animaux sociaux : elles chassent généralement en groupes de 2 à 10, mais peuvent parfois rassembler plusieurs groupes de chasses avant d'attaquer des proies plus dangereuses. Dans ces situations, on a vu des groupes allant jusqu'à 30 striges travailler en commun. Une fois une strige pleine de sang, en revanche, elle n'attend pas que ses alliées aient bu leur saoul avant de fuir. C'est cet individualisme mêlé de socialité qui fait que, même lorsqu'un groupe de strige s'attaque à des proies éveillées et en état de se défendre, la plupart d'entre elles arrivent à revenir au nid, pleines de sang, même si cela se fait au sacrifice de quelques congénères. 

Les aventuriers qui survivent à des attaques de striges font rarement l'effort de chercher où se terrent ces créatures, mais certains survivants ont pu observer les nids. Ils décrivent des tunnels et des cavernes naturelles, bouchées par une espèce de pâte, confectionnée par les striges en ingérant des copeaux de bois et en les recrachant une fois partiellement digérés. Ces petits murs sont parcourus de trous juste assez grands pour laisser passer des striges, mais aucun qui ne soit assez grand pour permettre à un humain d'observer l'intérieur de la caverne. Il est possible de mettre à bas ces murs avec des haches, ou en y mettant le feu, mais il faut être prêt à affronter des hordes de striges défendant leur foyer. Si nous avons dit plus tôt que les plus grand groupe de chasse des striges peuvent représenter jusqu'à 30 striges, il faut noter qu'une colonie (un groupe de striges vivant dans un seul nid) peut compter plus d'une centaine d'individus, au moins la moitié d'entre eux étant présent sur place pour défendre leur foyer. C'est cette difficulté à prendre d'assaut les nids qui explique pourquoi les zones infestées de striges sont rarement purgées, et que l'on se contente de les éviter. Les rares chanceux qui arrivent à éliminer ces gardiens parviennent alors au véritable nid : les mares de sang.

Seule une infime partie du sang récupéré par les striges ne sert à les nourrir, le reste alimente les mares de sang que l'on trouve toujours au fond des cavernes habitées par les striges. Ces étangs, constitués de quelques dizaines de milliers de litres de sang, collectées par des striges depuis des siècles, sont des écosystèmes à part entière, où se développent les larves des striges. Le sang ne sèche pas, malgré le temps qui passe, grâce aux enzymes relâchées par les striges, ce qui permet à divers invertébrés, mais aussi des amphibiens, d'y vivre comme dans un étang d'eau (la différence principale étant bien sûr que toutes ces créatures peuvent se nourrir du sang qui compose leur lieu de vie). Certaines moisissures et plantes poussent aussi dans ce liquide riche en nutriments. Ces organismes, dont certains ont évolué spécifiquement pour tirer parti de cet environnement unique, servent tous à nourrir la larve de la strige dans sa première année de vie. Ces larves, semblables au têtard qui se transformera en grenouille, ont un corps de ver pendant leurs premiers mois après la sortie de l'oeuf, avant que leurs ailes (leur servant d'abord de nageoires) et leurs pattes griffues n'apparaissent. Plusieurs vingtaines de larves peuvent vivre au même moment dans une mare de sang, ce qui permet de renforcer régulièrement les rangs des striges adultes lorsque celles ci sont tuées. 

Les striges créent rarement de nouveaux nids et de nouvelles mares de sang, car c'est un processus qui prend plusieurs générations, mais il arrive parfois qu'une colonie surpeuplée, ou située dans un endroit où la nourriture est rare, exclut certaines striges qui partent construire leurs propres mares de sang dans des régions voisines. Certains seigneurs malveillants capturent même ces striges exilées pour les relâcher sur le territoire de leurs ennemis. Ces stratagèmes portent rarement leurs fruits, car un groupe de strige qui n'est pas encore bien installé est facile à déloger, mais à chaque année qui passe sans que le nid ne soit détruit rend la menace plus grande et plus difficile à éliminer.

IDÉES D'AVENTURES :
- Un alchimiste a inventé un puissant poison qui lui semble capable d'éliminer une colonie de strige entière, pour peu qu'on réussisse à le verser dans la mare de sang. Aux PC de tester sa théorie...
- La ville est frappée par ce qui semble être une épidémie de vampirisme : en quelques mois, des dizaines de victimes ont été retrouvées exsangues. Un érudit, persuadé qu'il s'agit d'une colonie de striges qui vient de s'installer, engage les PJ pour localiser la zone infestée. La colonie se trouve probablement dans la cave d'un manoir abandonné, dans des catacombes ou tout autre souterrain urbain.
- Une caravane marchande a traversé une région réputée infestée de striges, ne croyant pas les rumeurs. Après plusieurs semaines sans nouvelle, la guilde qui l'a envoyé passe un contrat avec les PC pour que ceux ci retrouvent la trace de la précieuse cargaison.

samedi 15 avril 2023

Les chercheurs d'alicornes

La licorne est la proie ultime de tout chasseur. C'est un animal si rare que les érudits la prennent parfois pour une légende, et son intelligence est réputée pour être similaire à celle des humains. Elles se cachent et jouent même des tours aux braconniers qui les prennent en chasse. Ces derniers peuvent se retrouvés guidés dans une partie de la forêt qui regorge de danger, ou dans des pièges qu'ils ont eux-même mis en place. Certains disent avoir poursuivi une licorne pendant des heures avant de la voir disparaître derrière un talus. L'instant d'après, la bête était visible en haut d'une colline, à des kilomètres de là, sa corne réfléchissant la lumière du soleil dans une ultime moquerie.

C'est cette corne, appelée "Alicorne" par les savants, qui en fait le rêve des chasseurs. On raconte qu'elle donne ses pouvoirs à l'animal (notamment son apparente capacité à créer des illusions pour tromper ses poursuivants), mais elle a d'autres propriétés. Broyée en une fine poudre, elle devient l'antidote ultime, capable de guérir tous les poisons et toutes les maladies, et on raconte aussi que simplement porter l'objet près de soi donne meilleure santé. Les rois et les empereurs les plus riches, capables de se payer un tel trésor, survivent à des maladies et des blessures qui auraient tué des gens ordinaires, vivent 10 à 20 ans de plus que le reste de leur cour, et meurent tous de vieillesse ... Ou d'assassinat. Car bien sûr, les personnes qui seraient prêtes à tuer pour une mettre la main sur une alicorne sont inombrables.

Déjà, la famille proche sombre souvent dans la jalousie et l'envie. Le petit frère qui se voit vieillir et décrêpir quand son aîné est en pleine forme. La fille qui a peur de mourir avant son père et de ne jamais profiter de l'héritage. La cupidité est un autre motivateur : réussir à vendre une corne sans avoir été égorgé avant, même à un prix bradé, représente assez d'argent pour faire vivre une famille entière dans l'opulence sur plusieurs générations. La peur et le désespoir suffisent aussi pour convaincre une personne condamnée par la maladie, ou le proche d'une telle personne, à chercher ce remède universel. Enfin, la simple gloire d'être membre de l'élite priviligiée des propriétaires d'alicorne peut être un motivateur. Les voleurs qui parviennent à récupérer une alicorne, généralement en assassinant son précédent propriétaire, ont beaucoup de chance d'être la cible, à leur tour, d'un meurtre. Il peut arriver parfois même qu'un individu parvienne à voler le trésor recherché pour être immédiatement abattu lorsqu'il se croit hors d'atteinte, car il était surveillé depuis le début par ses "collègues". Les cornes peuvent parfois passer par une demi-douzaine de mains en moins d'un mois, et leur trace devient difficile à suivre, mais les individus les plus déterminés à mettre la main dessus ne s'arrêtent pas pour autant et font de grandes enquêtes.

Le petit monde des Chercheurs d'alicorne (terme désignant uniquement les personnes qui cherchent une corne déjà extraite, à ne pas confondre avec les "chasseurs de licornes", c'est à dire les individus qui chassent la licorne vivante) est un monde de paranoïa où tout le monde se méfie de tout le monde. C'est un secteur d'activité étrange : certains chercheurs expérimentés ont développé des stratégies complexes et donnent même des conseils aux nouveaux chercheurs, mais n'ont jamais vu d'alicorne de leur vie. Si l'un d'entre eux avait atteint son objectif, il devrait disparaître au plus vite, car il serait la prochaine cible des chercheurs. On raconte que l'un d'entre eux, après avoir réussi à se procurer un sachet d'alicorne broyée, fit semblant de continuer ses recherches, pour donner l'impression qu'il n'avait rien trouvé et ne pas éveiller la méfiance. Son corps fut retrouvé décapité une semaine plus tard, et un de ses collègues avait disparu dans la nature. Les chercheurs d'alicorne sont des enquêteurs professionnels, et tôt ou tard, ils remonteront la piste d'une corne disparue.

C'est que ce petit monde est devenu très organisé. Chaque chercheur a sa propre archive personnelle, recueillant tous les indices rencontrés dans sa vie, avec des frises chronologiques indiquant les différents propriétaires d'une alicorne, des notes sur les autres chercheurs visant à remarquer un changement de comportement, ou même les dates de naissance des nobles de la région (pour s'assurer qu'aucun n'a l'air plus jeune qu'il ne devrait l'être). Si originellement, les chercheurs gardaient leurs archives pour eux, au fil des siècles, certains ont réalisés qu'ils pouvaient se faire plus d'argent en vendant des informations aux autres chercheurs plutôt qu'en espérant devenir un jour eux-même propriétaires d'une alicorne. Leurs collègues, même s'ils ne se privent pas pour acheter leurs tuyaux ou jeter un oeil à leurs journaux, méprisent ces "archivistes" (comme ils aiment s'appeler), car ils considèrent que la recherche est un art en soi, et que la recherche du profit ne devrait pas être le motivateur premier.

On parle parfois à tort de "guildes" des chercheurs, mais c'est un mythe, une légende colportée par les extérieurs au milieu qui ne comprennent pas comment des gens qui se méfient autant les uns des autres peuvent travailler de commun. Des témoins parlent de cérémonies mortuaires où même les assassins du défunt sont conviés pour honorer sa mémoire, ou de fêtes où les chercheurs célèbrent la chance d'un des leurs, qui a réussi à échapper à leurs poignards en partant avec une alicorne, comme s'il s'agissait d'un ami. Un tel mélange de manigances sans scrupules et et de rituels observés religieusement rappelle la stricte hiérarchie des guildes de voleurs, mais les deux groupes se sentent insultés d'un tel rapprochement (même s'ils échangent souvent des informations).

De nos jours, les chasseurs de licornes, malgré la difficulté à attraper leur proie, ont une vie plus simple que celle des brigands qui se revendiquent chercheurs d'alicornes. De plus, là où les chasseurs sont vus comme nobles et honorables, les chercheurs sont pris pour des fous doublés de malfrats. Mais ces derniers se moquent bien de ce que pensent les gens respectables. La fièvre de la recherche les as touché une fois et ne les as pas quitté. Qu'ils meurent de vieillesse sans jamais avoir atteint leur objectif, ou empoisonné par un collègue, ils sont fier de vivre comme des chercheurs, et de mourir comme des chercheurs.



IDÉES D'AVENTURES :
- Un chasseur de licorne est sur une piste qui s'avère prometteuse, mais à part d'être assassiné par des chercheurs sur le chemin du retour, une fois son alicorne en poche. Il engage les PJ comme mercenaires pour l'accompagner à la fois pendant la chasse, mais aussi comme escorte jusqu'à la capitale où il compte l'offrir à l'empereur.
- Les PJ, enquêtant peut-être sur une affaire de meurtre, ont besoin d'information détenue par un archiviste chercheur d'alicorne. Ils pourront payer le prix fort pour leurs questions, ou choisir d'aller espionner pour son compte un concurrent qui ne sort plus de chez lui depuis plusieurs jours. (Le concurrent peut être sur une piste importante, ou mort, selon vos préférences.)
- Après avoir été témoins d'un meurtre cérémoniel, pouvant laisser penser à l'oeuvre d'une secte, les PJ sont pourchassés par la garde, qui les prend pour des chercheurs d'alicornes, mais ils ont également l'impression d'être suivis. Une bonne partie du "milieu" des chercheurs les tient à l'oeil pour s'assurer qu'ils ne révèlent pas d'informations aux forces de l'ordre, mais aussi pour être sûr qu'ils ne sont pas eux même des chercheurs. S'ils les PJ leur donnent cette impression, ils risquent fort d'être capturés et torturés, dans l'espoir qu'ils aient des informations inédites.

vendredi 14 avril 2023

Les royaumes hobgobelins

J'ai déjà expliqué que les gobelins appartiennent à la même espèce que les orques. Ils sont plus intelligents, mais plus faibles physiquement que ces derniers, et finissent par se transformer en orque s'ils survivent suffisamment longtemps. Cela créé une société dans laquelle la classe dirigeante est simple d'esprit, trop stupide pour réaliser à quel point ils pourraient progresser s'ils laissaient libre cours à l'imagination des gobelins, qui sont pourtant les seuls capables de construire des édifices, forger des outils de bonne qualité ou cultiver des plantes. C'est une situation très frustrante pour eux, cela va sans dire.

Les Hobgobelins sont des gobelins comme les autres, frêles, lâches, et vicieux. Ce qui les différencie des autres, c'est la connaissance des champignons hautement toxiques qu'on appelle chapeaux-de-sorcières. Ce fongus, au chapeau rouge et pointu, est mortel pour la plupart des espèces y compris en faible quantité. L'ingestion d'un seul de ces champignon par un homme adulte cause l'arrêt de plusieurs fonctions vitales du cerveau, causant le dérèglement de la respiration et du coeur, le tuant en quelques minutes et laissant son cadavre dans une flaque de bave et de sueur. Les gobelins sont capables de survivre à la consommation de ces champignons, qui provoque pour eux des hallucinations très puissantes, ce qui fait que les chapeaux-de-sorcière étaient originellement consommés par les prêtres de cette espèce pour "communiquer avec leurs dieux". Ces prêtres ne tardèrent pas à découvrir l'effet secondaire d'une consommation régulière : l'arrêt de la croissance des gobelinoïdes. Cette révolution scientifique provoqua des révoltes chez les gobelins, sous la direction de leurs prêtres. Ces rebelles fuirent les hordes d'orques qui les opprimaient et migrèrent dans les cavernes où poussaient naturellement les chapeaux-de-sorcière. Ils n'étaient plus de simples peaux-vertes, condamnés à perdre en intellect au fil des années. Ils étaient les hobgobelins, et ils avaient beaucoup d'ambition.

Les royaumes secrets des hobgobelins, ou gobelins des cavernes, sont organisés autour de la culture de ce champignon : la majorité de la force de travail est utilisé dans les champs, à l'abri de la lumière, où poussent aussi bien des champignons comestibles que le chapeau-de-sorcière. La production de ces cultures appartient aux nobles hobgobelins, qui se donnent les titres de rois, de ducs, de marquis ou de vicomptes, imitant les manières des aristocrates humains. Les doses sont ensuite distribuées à la population, mais les rares contestataires et tire-au-flanc en sont exclus : le chapeau-de-sorcière, pillier du développement de la société hobgobeline, est aussi l'arme qui maintient en otage toute sa population. La peur de devenir un orque, aussi primitif qu'un animal sauvage, est la plus grande angoisse existentielle des hobgobelins, et leurs dirigeants utilisent cette peur pour faire marcher leurs royaumes au pas.

La création de snotlings, le stade infantile des gobelinoïdes, est également rationalisé : on capture des trolls sauvages, ou on emprisonne les hobgobelins qui ont trop souvent manqué leur dose et se sont transformés en orques, et on extrait leur sang régulièrement (en prenant soin de les maintenir en vie) afin de le répandre dans des chambres fermées, ou les snotlings apparaissent ensuite spontanément. Ces snotlings ne connaissent pas l'extérieur de leurs prisons-couveuses avant d'être assez grands pour être considérés des gobelins, auquel cas ils sont "libérés" (et immédiatement utilisés comme main d'oeuvre dans les chantiers du moment).

Face à leurs anciens maîtres orques et face aux nations humaines, les hobgobelins n'ont pas beaucoup d'avantages : ils sont fragiles et faibles physiquement, et ils sont dépendants entièrement d'un champignon rare pour se développer en tant que société. Ils compensent cela en utilisant des armes empoisonnées, des machines de guerre complexes et des bêtes sauvages dressées. Ils sont aussi capables de diplomatie : ils négocient la paix avec leurs voisins humains, envoient des ambassades et des délégations et proposent même des accords commerciaux. Cependant, les hobgobelins ont une fâcheuse tendance à trahir ces accords s'ils n'ont pas une excellente raison de les tenir (généralement la peur d'une invasion largement supérieure en nombre). Ce n'est pas un hasard si le dicton "Parole de hobgobelin" désigne une promesse qui ne sera pas tenue.

IDÉES D'AVENTURES :
- Une série de meurtres par empoisonnement a lieu dans la capitale, tous utilisant des extraits de chapeaux-de-sorcières. Les ambassadeurs hobgobelins sont immédiatement soupçonnés et arrêtés, mais nient toute implication, et déclarent s'être fait voler un stock important de champignons. Les PJ doivent faire l'enquête sur l'affaire.
- Un guérisseur a besoin d'une quantité importante de chapeau-de-sorcière pour ses recherches médicales. Il engage les PJ pour aller en récupérer dans l'antre de hobgobelins la plus proche. Ils peuvent employer la méthode qu'ils souhaitent (ruse, force, diplomatie), mais doivent prendre en compte le fait que les hobgobelins sont des milliers à vivre dans le même terrier.

jeudi 13 avril 2023

Genèse (et épilogue) des elfes

Dans un passé lointain, sur la planète Alpha Manticori, des êtres apparurent un jour. La planète était un désert inhospitalier, vide de vie, mais avec leur technologie supérieure, ces étrangers la terraformèrent, et la colonisèrent. Ils créaient de nouvelles espèces de végétaux et d'animaux comme un tailleur fabrique des vêtements, comme un forgeron fabrique des outils. Ces nouvelles espèces étaient à la fois adaptées à leur nouvelle planète, mais aussi faites pour constituer un écosystème parfait pour la accuillir la vie des colons. Ces derniers, au fil des générations, évoluaient aussi (il est à noter qu'une génération, pour ces gens, peut durer quelques millénaires, car ils ont pu pousser leur espérance de vie au maximum possible grâce à des manipulations génétiques avancées). Les enfants étaient plus fins et légers que leurs parents, mieux adaptés à la gravité légèrement plus faible ici. Leurs oreilles étaient plus longues et pointues pour mieux percevoir les variations d'oxygène causées par la terraformation. Ils oublièrent aussi, très progressivement, la raison de leur venue dans le système de la Manticore. Pourquoi tous ces efforts pour transformer une planète vide de ressource, alors qu'ils auraient pu s'établir sur un monde réunissant déjà les conditions nécessaires pour supporter un train de vie plus confortable ?

Les Alpha Manticorien qui se posaient ces questions s'opposèrent à leurs aînés, et les conflits politiques finirent par se transformer en guerre civile. Les Traditionalistes, la faction qui voulait rester sur la planète, l'emporta largement grâce à leur haute maîtrise de la technologie de leurs ancêtres, mais ils ne purent éliminer totalement leurs adversaires. Ceux ci, appelés les Chercheurs, avaient fini par découvrir une planète qui abritait déjà la vie dans des conditions idéales pour accueillir les Alpha Manticoriens. Ils construisirent de nombreux vaisseaux spatiaux et partirent à la recherche de cet Éden que leurs ancêtres avaient voulu leur cacher. Le voyage jusqu'à cette planète, même à la vitesse de la lumière, leur prendrait des millions d'années, mais ils étaient capables de placer leurs corps en stase, bloquant leur fonctions vitales sur le trajet et s'éveillant sur leur destination comme après une longue sieste.

La majorité de la flotte s'écrasa lamentablement sur la surface, mais certains vaisseaux purent atterir avec succès, déposant leurs colons sains et saufs sur cette planète sauvage, recouverte d'animaux et de plantes étranges. Ils eurent même la surprise de découvrir des espèces intelligentes (ou semi-intelligentes, selon leurs standards). La première, une espèce de fungus humanoïde à la peau verte, leur apparut comme un parasite, une infection sur la face de ce monde plutôt qu'un interlocuteur pour leur espèce. Mais ils y avaient aussi des humains : des êtres qui ressemblaient à des versions primitives d'eux même : plus musclés, plus velus, plus lents également, aussi bien sur le plan physique que le plan mental. Ces sauvageons pensaient que les Alpha Centauriens étaient des sorciers, que leur technologie avancée était de source démoniaque ou divine. Ils les appelèrent des Elfes.

Les elfes, espèce la plus intelligente à la surface du monde (selon leurs standards), ne tardèrent pas à former des royaumes, écrasant les tribus primitives des humains pour les unir sous leur règne éclairé. Malheureusement, ces derniers acceptaient rarement ce qui était pourtant le plus juste, et leur nombre compensaient largement leur manque de technologie lors des batailles à venir. C'est pourquoi les elfes créèrent les Chimères : des mélanges d'animaux, fusionnés dans les quelques cuves de manipulation génétique qui restaient intactes dans leurs vaisseaux. Ils firent des Tritons, en croisant des humains et des poissons, pour leur servir d'armées amphibies pouvant frapper par surprise. Ils firent des Tarrasques, en croisant des lions et des tortues géantes, pour les utiliser comme machines de siège vivantes. Ils firent des Hippogriffes en croisant des chevaux et des aigles, pour constituer des cavaleries ailées. Ils firent bien d'autres monstees, notamment des Manticores, des lions avec une grande queue de scorpion et le visage d'un humain. Ces monstres étaient une démonstration du pouvoir des elfes, visant à effrayer leurs adversaires. En plus de cette méthode de création de monstres, que les humains appelaient vivimancie (la magie qui contrôle la vie), les elfes avaient accès à plusieurs types d'objets "magiques" : des bottes qui camouflent le son des pas de leur porteur, des capes qui prennent la couleur de leur environnement, des espèces de baguettes capables de tirer des rayons ayant differents effets sur leurs cibles, comme la paralysie ou la domination mentale... Les elfes ne savaient plus fabriquer de nouveaux exemplaires de ces armes, mais elles demeuraient un avantage certain.

L'âge d'or des elfes dura quelques siècles, un temps infime à leurs yeux. Ils ne conquirent jamais le monde entier, restant confinés à quelques royaumes, proches de leurs lieux d'atterrissages. Ils firent même des efforts de négociations visant à montrer leur volonté de paix avec leurs voisins humains. Bien sûr, s'ils s'abaissaient au niveau de ces primates, ce n'était pas par plaisir mais parce que leurs objectif premier sur ce nouveau monde était de trouver la paix et de vivre dans le confort. À quoi sert un empire mondial, quand on peut vivre en tant que minorité privilégiée, dans une nation remplie de servants, avec une technologie surpuissante et l'accès à une nature luxuriante ? Leur apogée fut cependant aussi brutale que leur règne n'était glorieux. 
 
Un jour, de multiples rayons de lumière, puissants chacun comme un millier d'éclairs, foudroyèrent leur palais. Ce cataclysme élimina leurs élites dirigeantes, rendit hors d'usage de nombreuses machines, et pire que tout, donna l'espoir aux humains d'un monde libéré de la présence elfique. Les révoltes qui suivirent, et les invasions opportunistes des royaumes humains voisins, furent le coup de grâce qui sonna la fin de l'âge des elfes. De nombreux historiens s'intérogèrent dans les siècles à venir sur la mystérieuse attaque venue du ciel, mais la théorie qui fut officiellement retenue, défendue par l'Église, décrivait ces rayons comme une intervention de la Providence au secours de l'humanité. Les elfes pensent quand à eux que ce sont leurs frères et soeurs restés sur Alpha Manticori qui ont trouvé un moyen de les éliminer par vengeance.

Parmi les rares survivants, certains, qu'on appellera elfes sylvains, migrèrent dans les forêts les plus profondes. Privé de la technologie qui fit leur force, ils se cachaient comme des proies, eux qui furent un jour les plus puissants êtres de ce monde ! Ils dégénérèrent au fil du temps, oubliant tout de leur passé, sinon leur haine des humains. Un autre groupe plus chanceux, nommés plus tard les elfes sombres, trouva l'accès à un réseau de cavernes gigantesque qui leur servit de refuge. Ils purent y entreposer ce qui restait de leur matériel technologique, et continuèrent, en secret, de créer des chimères. Ils nourrissaient le projet de reprendre le pouvoir un jour. Enfin, on parlait d'haut-elfes pour décrire les elfes de l'époque où ils régnaient en seigneurs, mais ce terme n'est utilisé qu'au passé. Les haut-elfes n'existent plus. Les chimères qu'ils avaient créé furent pour la plupart exterminées, mais certaines furent gardées comme trophées (les hippogriffes étaient des montures de choix pour la noblesse humaine) ou parvinrent à s'échapper et à perdurer comme espèce (les tritons étaient l'exemple le plus réussi, avec leurs empires sous l'Océan, là où personne ne pourrait venir les chercher). La majorité des monstres devenaient des légendes au fil du temps, comme la manticore, qui donna son nom à une constellation mais qui disparut bien vite. 

Les millénaires qui vinrent furent agités par de nombreuses guerres, de nombreus bouleversements, mais ceux-là ne concernent pas notre histoire, c'est pourquoi nous allons faire un saut dans le temps de dizaines de milliers d'années dans le futur. Les elfes ont disparus. L'humanité est la seule espèce intelligente vivant sur notre planète. Sa connaissance du monde et quasiment sans limite, sa technologie lui permet de maîtriser la vie, le temps et l'espace. Elle a repoussé l'espérance de vie a plusieurs millénaires. Elle encourt pourtant le plus grand danger de son existence : elle a causé une catastrophe écologique sans aucun précédent, et qu'elle est incapable de résoudre. Il ne s'agit pas d'une planète, ni même d'un système solaire ou d'une galaxie mais de tout l'univers qui sera consumé par l'entropie sous peu.

Mais les humains, décidés à ne pas disparaître en tant qu'espèce, avaient plus d'un tour dans leur sac : s'ils ne pouvaient pas arrêter la fin de l'univers, ils iraient dans un endroit où elle n'a pas lieu. Ils choisirent une planète aux caractéristiques proches de la leur, mais extrêmement lointaine, qu'ils se sentaient capables de terraformer pour accueillir la vie, puis voyagèrent plusieurs millions d'années dans le passé, pour cloniser cette planète avant que la fin ne sonne. La distance, aussi bien que la durée de plusieurs millions d'années leur servait de précaution pour éviter d'ingérer dans la temporalité de leur monde natal, et risquer d'empêcher leur propre existence. S'ils arrivaient à garder en mémoire, au fil des générations, l'interdit absolu d'aller explorer leur monde originel, que pourrait-il leur arriver ? Ils vivraient des millions d'années sur cette planète, avant de reproduire leur tour de force, et partir vivre sur un autre monde lorsqu'ils approcheraient de la date de fin de l'univers. C'est ainsi que commença la colonisation d'Alpha Manticori.

IDÉES D'AVENTURES (ayant lieu dans la période après la chute des elfes mais avant leur disparition totale) :
- Un village est attaqué par un groupe de bandits armés de plusieurs baguettes d'anhiliation, de construction elfique. Ils sont bien moins nombreux que les miliciens locaux mais la menace de ces armes est suffisante pour réduire les villageois en esclavage. Les PJ étaient malheureusement dans le village au moment fatidique et sont mis au fer comme tout le monde. Ils vont devoir trouver un moyen de s'échapper, et potentiellement de libérer le village, une tâche qui deviendra triviale une fois qu'ils auront compris qu'aucune des baguettes n'a plus la moindre charge.
- Une ancienne ruine de vaisseau elfe a été découverte par des humains mal intentionnés. Ils y ont trouvé une cuve de vivimancie dans un état quasi fonctionnel et créent des chimères en espérant devenir maître de la région. Les monstres nouvellement créés sont en mauvaise santé à cause du mauvais état de la machine et du manque de connaissance de ses utilisateurs, mais terrifient les habitants de la région. Les PC sont envoyés pour explorer la ruine et éliminer les apprentis vivimanciens. Ils devront affronter les chimères ratées mais aussi une troupe d'assassins elfes sombres, envoyés pour récupérer la cuve.
- Un hippogriffe évadé, appartenant à un aristocrate, terrorise les paysans du comté en chassant leur bétail. Le comte insiste pour que les PJ capturent la chimère. Ils ne doivent pas blesser l'hippogriffe d'aucune manière, pour éviter de créer un incident diplomatique avec son propriétaire.

mercredi 12 avril 2023

Faire un univers de low-fantasy minimaliste

Je ne pense pas être seul à pouvoir dire que beaucoup d'idées d'univers, de campagnes et de mécaniques de jeux traversent mon esprit, et que la raison qui m'empêche souvent de finir un projet que j'ai commencé est une autre idée qui pointe le bout de son nez, et m'obsède au point que je n'arrive plus à travailler sur le projet actuel. Voyons voir combien de temps celui ci-durera !

J'ai eu l'idée il y a une semaine de faire un monde de fantasy pour un jeu de rôle, qui serait minimaliste et low-fantasy. Lorsque je crée un univers de campagne, je le fais généralement de manière "down-top", de bas en haut, du plus petit au plus grand : je crée une bourgade et un donjon, des lieux suffisants pour accueillir les premières sessions de jeu, puis je développe la région autour, construisant une carte plus large, avec une histoire plus développée. Je rajoute les dieux, races monstrueuses, types de magie, nations et autres éléments au fur et à mesure, selon les besoins de la campagne. Par le passé, je faisais plutôt l'inverse : le "top-down", du plus large au plus petit. Je réfléchissais d'abord à la cohérence totale du monde, qui sont les dieux et comment le monde a été créé, quelles sont les races et quels empires ont-elles formé, quelles formes de magie sont accessibles ou non aux PJ. À partir de là je créais mes décors de scénario en sachant déjà ce qui était possible ou non. Cette méthode, en plus d'être chronophage, me semble désormais un peu lourde pour les joueurs (qui s'intéressent plus souvent au village dans lequel ils pourront vendre leur trésor qu'au nom de l'empereur qui a fondé le pays dans lequel ils se trouvent). Aujourd'hui je veux essayer une autre méthode, qui n'est pas adaptée à tous les univers, mais qui pourrait être une expérience amusante.

Car lorsqu'on fait un univers de fantasy, que ce soit en "top-down" ou en "down-top", on assume l'existence de nombreux phénomènes et entités : il faut de la magie, des civilisations anciennes avec des artefacts perdus, des monstres hostiles envers l'humanité ... Le postulat minimaliste et low-fantasy part à l'inverse d'un monde possible, d'une civilisation qui ressemble à notre propre moyen-âge. À partir de là, on ajoute des éléments fantastiques un par un, en les développant assez bien avant de passer au suivant. À chaque élément ajouté, il faut réfléchir à comment le monde "médieval" qui nous sert de base s'adapterait, devenant progressivement moins historique et plus fantasy. Cette tâche peut être aussi longue que le worldbuilding complet d'un univers ou aussi rapide que l'écriture d'une note en bas de page : car tout élément qui n'a pas été ajouté n'existe pas dans l'univers. Au moment où on a envie de s'arrêter, on s'arrête, et les éléments fantastiques ajoutés sont les seuls éléments fantastiques de notre univers.

Prenons mon petit article sur les peaux-vertes pour exemple : il décrit 4 types de monstres (les snotlings, les gobelins, les orques et les trolls), appartenant tous à la même espèce. Il est le premier élément "fantastique" à notre univers. Si je décide de m'arrêter maintenant, nous aurions un monde de fantasy assez proche de notre passé (ou en tout cas d'une version fantasmée de notre passé, le but n'est pas de faire un travail d'historien pour coller au plus près de la réalité mais de donner la sensation de réalisme historique), mais dans lequel des monstres à la peau-vertes construisent des petits royaumes barbares et éphémères, et s'attaquent à toutes les nations humaines. Sûrement que le feu grégeois et d'autres armes enflammées ont une bien plus grande importance militaire dans ce monde, car ils sont les seuls obstacles à l'avancée destructrices des trolls. Peut être que ces derniers pourraient être capturés et dressés comme armes par des seigneurs de guerre particulièrement audacieux. Malgré tout, les conflits permanents entre les peaux-vertes les empêcheraient de devenir une menace aussi importante que la peste noire ou les guerres saintes. Si nous jouions une campagne dans cet univers, nos scénarios porteraient sûrement sur des conflits politiques entre nobles, des conquêtes militaires et des transactions commerciales, les attaques de gobelinoïdes n'en formeraient pas le coeur, mais servirait à épicer le jeu d'un soupçon de fantasy (de la fantasy extrêmement low-fantasy, mais de la fantasy quand même). Il n'y aurait pas de magie, pas vraiment d'autres races jouables que les humains pour les joueurs, les archétypes/classes seraient confinés au guerrier et au voleur (peut être des personnages plus sociaux également, comme un prêtre ou un troubadour), et il n'y aurait pas de réponse définitive à la question de si Dieu existe. 

Je trouve l'idée assez similaire à l'univers de Game of Thrones, au moins dans les premiers livres/saisons : il y a la menace des marcheurs blancs dont on ne sait pas si elle est réelle ou non, quelques loups géants et des dragons qui appartiennent au passé, mais la série tourne à 95% autours des intrigues médiévales, qui ne sont qu'une version sous stéroïdes de choses ayant pu arriver dans l'histoire. Bien sûr, si le projet dure plus longtemps, on s'éloignera de plus en plus du low-fantasy et on se rapprochera d'un univers de fantasy classique similaire aux Royaumes Oubliés de D&D ou au Vieux Monde de Warhammer. Je trouve que cette idée de Worldbuilding ressemble un peu à un composition de Philip Glass, un compositeur de musique minimaliste, dans lequel une simple boucle est agrémentée de nouveaux éléments musicaux au fur et à mesure du morceau, chaque note s'ajoutant à la boucle progressivement pour finir (parfois) sur un du grandiose.

En tout cas, c'est une expérience qui m'intéresse, et si elle vous intéresse aussi, n'hésitez pas à suivre ce blog pour voir l'avancée de mon univers minimaliste et low-fantasy. Il n'a pas encore de nom, il n'a pas encore de cartes et de pays (je les ferai au fur et à mesure que j'incorporerai les éléments fantastiques), mais il me plaît déjà.

mardi 11 avril 2023

Biologie des peaux-vertes

Les Snotlings sont des minuscules humanoïdes, hauts tout au plus d'une vingtaine de centimètres, à la peau verte et crasseuse. Ils sont vicieux et cruels, mais leur petite taille les empêche d'être autre chose qu'une nuisance, à moins d'être extrêmement nombreux. Ces créatures émergent des sécrétions des autres peaux vertes (notamment leur sang, ce qui fait que de grands nombres de snotlings apparaissent toujours après une bataille impliquant des gobelinoïdes), ce qui constitue une forme de reproduction asexuée, une sorte de clonage passif d'un individu sans qu'il ne s'en rende compte. Les snotlings sont pratiquement incapables de se nourrir par eux même, alors ils ont tendance à se rassembler autour des tribus peaux-vertes pour récupérer les restes de repas. Les gobelins, orques et trolls, n'ayant aucunement conscience que ces petites creatures sont, d'une certaine manière, leurs enfants, sont agacés par leurs larcins et leurs voix criardes, et il arrive souvent que des snotlings se retrouvent écrasés sous le pied d'une brute excédée.

Les snotlings qui survivent quelques mois grandiront très rapidement et deviendront des Gobelins, des humanoïdes hauts d'un mètre. Ce stade est le pic d'intelligence que pourra jamais atteindre une peau-verte, car les gobelins sont capables de réfléchir à des concepts plus complexes que "le prochain repas" ou "la prochaine bagarre". Dans la société peau-verte toutes les grandes inventions ont été découvertes par des gobelins (et il est fort probable que ce soit eux qui aie suggéré aux chercheurs humains d'appeler leur espèce "gobelinoïde". Malheureusement, les peaux-vertes ne respectent que la force physique, ce qui explique que les gobelins aient le rôle de servants et de souffre-douleurs des orques et des trolls, et que leurs découvertes soient souvent ignorées. Certains gobelins arrivent cependant grâce à la ruse à se tailler une place comme conseiller stratégique des chefs orques. Leurs chances de survie sont grandement améliorées une fois arrivés à cette position, mais ils sont toujours exposés à une saute d'humeur du chef (ou à un changement brutal de direction).

Les gobelins, après quelques années de vie, perdent de leur intelligence mais gagnent en force physique, et deviennent des Demi-orques. Cette période de transformation les voit grandir d'un centimètre par jour environ, et gagner en courage. Ils abandonnent les tactiques et les inventions de leur vie passée et cherchent à se mesurer avec des adversaires en face-à-face, à la façon d'un orque. Ces demi-orques sont souvent solitaires, cherchant à accomplir leur quête seuls. 

Une fois qu'un demi-orque a la taille, mais aussi la confiance en soi, d'un orque (ce qui peut prendre un temps très variable), il en devient un lui même. Les Orques sont particulièrement stupides mais beaucoup plus musclés que les humains. Ils ne pensent qu'à se battre, et s'ils ne sont pas en guerre, ils se battront entre eux. Seul l'autorité du Chef orque, le plus fort du groupe, leur donne un semblant d'organisation. Les orques méprisent les gobelins et les snotlings, car ils sont extrêmement faibles, mais aussi les trolls, qu'ils voient comme des animaux idiots (ne parlez pas de "l'hôpital qui se fout de la charité" à un orque, ces deux concepts lui sont inconnus). Les orques ont, en plus de leur musculature, une étonnante capacité : ils sont capables de régénérer n'importe quelle partie de leur corps qui serait sectionnée. Cela leur prend des semaines, mais un bras tranché peut repousser, un oeil crevé verra de nouveau, etc... Les gobelins possèdent déjà cette capacité mais dans une mesure moindre (les membres régénérés ne sont jamais aussi efficaces que les membres d'origines), et cela prend bien plus longtemps. La seule exception à cette régénération est la brûlure du feu ou de l'acide : ces dégâts ne soigneront pas mieux chez un orque que s'ils avaient été causés à un humain.

Les orques les plus forts et les plus vieux finissent par perdre ce qui leur reste d'intelligence, devenant à peine plus que des animaux sauvages et cruels, mais leurs propriétés de régénération et leur corpulence deviennent encore plus impressionnantes, devenant ce qu'on appelle des Demi-Trolls. Ces êtres perdent progressivement l'usage du langage. Ne pouvant plus beugler des ordres sur les peaux-vertes plus petites, les demi-trolls perdent alors le prestige que leur donnait leur force. Ils sont alors placés dans des enclos ou enchaînés au fond d'une caverne, et on ne les en sort que pour les grandes batailles. 

Lorsque leur aspect bestial a fini de prendre le dessus, ils sont des Trolls véritables. Les Trolls ont une régénération si rapide que leurs blessures sont guéries à vue d'oeil, ce qui en fait des adversaires terriblement démoralisants à combattre. Ce pouvoir va si loin qu'il peut ramener à la vie un troll décapité ou dont le coeur a été arraché. À ce stade, seul le feu ou l'acide peut le tuer. La force du troll en fait une arme de guerre terrible, qui peut écraser un homme à main nue sans problème ou mettre à bas un bâtiment en pierre. Par chance, la plupart des trolls finissent par réussir à échapper à leurs maîtres stupides et vivent de rapines dans la nature, détruisant occasionnellement un village malchanceux. Cette situation est terrible pour les paysans assez malheureux pour croiser leur chemin, mais largement préférable à une armée de trolls dirigées méthodiquement contre les places fortes humaines.

Un troll ne s'arrête jamais de grandir, et de devenir plus fort. Il deviendra éventuellement un Troll vénérable, un géant à la peau impénétrable, capable de détruire une petite ville à lui tout seul. Ces monstres sont à l'origine de bien des légendes locales, enrichies par quelques générations de conteurs avides d'ajouter des détails croustillants. Les trolls les plus âgés, heureusement, voient leur intellect continuer de diminuer jusqu'à qu'ils soient incapables de quitter leur tanière d'eux même. Ils entrent alors dans une phase de sommeil profond, où il est possible de les prendre pour des rochers à la teinte verdâtre... Jusqu'à ce qu'ils soient réveillés par un aventurier imprudent.

Les légendes parlent d'un Titan troll, le plus ancien et le plus monstrueux des peaux-vertes que la terre n'aie jamais porté. Celui ci doit sommeiller au plus profond des cavernes sous les montagnes, mais s'il venait à se réveiller, le monde entier serait menacé.

IDÉES D'AVENTURES : 
- La dernière mode chez les nobles de la cour royale est d'adopter des snotlings comme animaux de compagnie. Bien sûr, lorsque plusieurs personnes sont retrouvées assassinées avec des ciseaux de couturier et d'autres petits ustensiles, les minuscules créatures sont introuvables ... Aux PJ de fouiller tout le palais royal pour les trouver.
- Le baron A est très content de sa dernière découverte : il s'avère que le gros rocher qui se trouve au milieu du domaine du baron B est en fait un troll vénérable endormi depuis un siècle. Il va certainement employer des mercenaires pour réveiller celui-ci, alors le baron B a employé les PJ pour empêcher cela (ils doivent garder le rocher mais en évitant au maximum les grands bruits).
- Une horde d'orques et de gobelins immense s'approche de la ville. Les PJ n'ont aucune chance d'empêcher la destruction de celle-ci par des voies traditionnelles, mais ils ont quelques jours pour provoquer la discorde au sein des peaux-vertes. Si les différentes bandes se font la guerre entre elles, elle seront trop occupées pour attaquer la ville.

(Ces peaux-vertes sont inspirées sur plusieurs aspects des orques et gobelins de Warhammer plutôt que des monstres de D&D, cela n'aura pas échappé au lecteur ou à la lectrice avertie. Ma précédente campagne utilisait des monstres bien plus proches des versions Old-school de D&D, avec des orques à tête de cochon et des grands trolls maigres. J'ai eu envie de changer. Bien sûr, le snotling est une invention qui est pour le cas directement volée à Warhammer, mais je ne pense pas que mon petit blog qui n'a pour l'instant aucun abonné n'attire l'attention des avocats de Games Workshop.)